URL: https://linuxfr.org/news/tout-arrive-meme-slackware-15-0 Title: Tout arrive, même Slackware 15.0 Authors: Collectif Yth, Ysabeau, palm123, GregDel, Benoît Sibaud, Ellendhel, tisaac, Anonyme, bbo, orfenor, fwhcat, Fabien Soulier et gouttegd Date: 2022-02-04T12:05:00+01:00 License: CC By-SA Tags: slackware Score: 6 Presque six années après la précédente version, la 14.2, **le 02/02/2022 à 22h22m22s temps universel la Slackware 15.0 est sortie**. Slackware est une distribution Linux, historiquement la plus ancienne toujours active, coiffant Debian au poteau d’un mois exactement (annonces les 16 juillet et 16 août 1993). _L'année prochaine nous fêterons les 30 ans de ces deux projets._ ![Slackware Linux](http://www.slackware.com/~msimons/slackware/grfx/shared/bluepiSW.jpg "Slackware Linux") Patrick Volkerding, l’auteur, principal développeur, et seule personne à vivre (via patreon), du projet Slackware, nous livre avec un peu de nostalgie une version difficile mais passionnante à construire, où il reconnaît que le monde Linux s’éloigne lentement mais sûrement de la philosophie UNIX, tout en apportant aussi des nouveautés d’une grande qualité. ---- [Slackware](http://www.slackware.com/index.php) [Release notes](http://www.slackware.com/releasenotes/15.0.php) [Annonce](http://www.slackware.com/announce/15.0.php) [Annonce sur le blog d'Eric 'AlienBOB' Hameleers](https://alien.slackbook.org/blog/slackware-15-0-has-been-released-on-2022-02-02/) [Slackbuilds.org](https://slackbuilds.org/) [Slackware pour ARM](https://arm.slackware.com) ---- Voici d’abord une traduprétation du Changelog : =============================================== Mardi premier février 2022. 4h37 : la voix d’outre-tombe tonne « La grotte est dorénavant fermée… » 5h35 : oups, ma lampe à huile est presque à sec… Mercredi 2 février. 4h17 : j’en aurai terminé demain… **Le 02/02/2022 à 22h22m22s temps universel la Slackware 15.0 est sortie !** Laissons derrière nous ce cycle de développement bien trop long, avoir eu les yeux plus gros que le ventre ne nous a pas empêché de tout polir à la perfection. Et espérons en avoir enfin terminé avec les changements les plus tordus, pour que le cycle de la 15.1 retrouve une durée habituelle, grâce au carénage aux petits oignons de l’infrastructure de développement. Je remercie toute l’équipe de Slackware. Mais aussi toutes les personnes participant au développement des multiples projets _upstream_ dont le travail nous a donné tant de belles pierres pour bâtir le nôtre. Sans oublier tous les gens sur LinuxQuestions.org et ailleurs qui ont testé, proposé, corrigé et nous ont soutenus, pour faire naître cette version. Je n’aurais rien pu faire sans vous tous, acceptez donc ma gratitude ! # Slackware en quelques phrases - Slackware est la plus artisanale des grandes distributions ; - elle est réputée pour sa stabilité et sa robustesse ; - on considère pour diverses raisons qu’elle permet de se familiariser avec l’univers GNU/Linux plutôt qu’un univers Slackware/Linux ; - le gestionnaire de paquet n’intègre **pas** de résolution de dépendances ; - disponible pour ix86, x86_64, arm et bientôt aarch64 ; - on l’utilise généralement avec KDE ou XFCE. Gnome n’est pas fourni par défaut ; - non destinée à un usage spécifique, elle s’utilise aussi bien sur un serveur multi-fonction, un poste de travail, ou une machine personnelle ; - on considère en général qu’elle n’est pas faite pour les personnes pour qui Linux n’est qu’un outil pour faire fonctionner un poste de travail : plus absconse à installer (mais très simple), impose la ligne de commande et l’édition de fichiers de configuration en texte pour son administration, il faut accepter de mettre les mains dans le cambouis. # L’alliance entre la tradition et le modernisme La caractéristique principale d’une nouvelle version de Slackware n’est pas tant de savoir ce qui a changé, car on peut toujours partir du principe que les dernières versions des logiciels sont embarquées, sauf s’il y a eu des altérations récentes et disruptives. Ce qui est intéressant est plus de voir ce qui n’a pas changé, ou ce qui a changé sans changement de façon de faire. Ainsi Wayland ne remplace pas X11, mais est accessible à côté, sans spécialement d’efforts. [Pour l’authentification, PAM remplace](https://git.slackware.nl/current/commit/?h=15.0&id=ffef56590d68c334819ecf26118a257bdafccf6b) le simple et traditionnel fichier shadow, mais en utilisant le traditionnel fichier shadow, donc une mise à jour est _entièrement_ transparente, et libre à chacun de changer de backend d’authentification. Déjà avec la 14.2 pulseaudio devenait par défaut, mais il était facile de s’en passer, aujourd’hui il est facile de basculer sur [PipeWire](https://fr.m.wikipedia.org/wiki/PipeWire) qui n’est pas par défaut parce que trop jeune encore. Slackware ne sera probablement jamais basée sur systemd car ça chamboulerait toute l’organisation de /etc/, des scripts de démarrage, et ne suit pas la philosophie KISS-Slackware, mais [l’utilisation d’elogind à la place de Consolekit](https://git.slackware.nl/current/commit/?h=15.0&id=5584dad3850d8f1aa3459ed8b85b3f8b571df3d4) permet à certains outils basés sur l’écosystème de systemd de retrouver leurs petits. On peut noter que la commande python persiste à démarrer python2, même si les outils Python inclus (par exemple [Mercurial](https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mercurial) ) utilisent python3. Un jeu de modules standard est présent pour python2 rendant son utilisation aussi simple et habituelle que ces vingt dernières années. Le reste du système utilise python3 explicitement, et les paquets disponibles sont bien plus vastes. Le travail de ce côté sur Slackbuilds.org est encore un peu chaotique, mais commence à se stabiliser aussi, avec l’abandon ou le passage en legacy des paquets python2 (le nom devient alors python2-paquet, tandis que paquet est réservé au paquet python3, parfois python3-paquet parce que la cohérence n’est pas encore à l'ordre du jour). Si on utilise Slackware sur un poste de travail, on continue d’utiliser XFCE ou KDE. Avec blackbox, fluxbox, fvwm2, mwm, twm et Windowmaker toujours disponibles comme depuis ces vingt ou trente dernières années… D’ailleurs, à l’installation, il est toujours très simple de ne pas inclure KDE qui prend beaucoup de place (954Mo sur 3.1Go sur l’ISO d’installation). Probablement, le changement le plus disruptif est d’avoir basculé sendmail dans extra et de l’avoir remplacé par défaut par postfix/dovecot ! Car là il faut changer sa configuration, et apprendre de nouveaux logiciels, mais bon, c’est Slackware, on n’est pas obligé, on peut conserver son sendmail, faut pas déconner non plus. Et puis la Slackware est toujours disponible pour machines ix86 ! Avec le même arbre de compilation, donc la distribution est intégralement la même sur machine 32 bits. Comme alliance entre tradition et modernisme, nous avons là un bel exemple. Côté noyau Linux, les deux mêmes versions sont fournies, la version generic, qui vient avec son vaste lot de modules, et nécessite un initrd pour fonctionner. Et la version huge qui inclus les modules directement dans le noyau, et permet de démarrer à peu près n’importe quoi. Slackware 15.0 restera avec le noyau 5.15.19, maintenu sur le long-terme par Greg Kroah-Hartman. La version -current quant à elle utilisera un noyau plus récent au fil du temps. La version arm n’est pas à l’identique, il y a quelques différences, mais rien de majeur, et la version aarch64 arrive, tranquillement : une Slackware arrive quand elle est prête et c’est tout. ![Slackware, because it works](http://www.slackware.com/~msimons/slackware/grfx/shared/SWquinn1.jpg "Because it works") # Bon, mais les vraies nouveautés alors ? Majoritairement, elles sont invisibles à l’utilisation, et concernent le projet en lui-même. Slackware a toujours eu ce petit côté artisanal, une équipe réduite et extrêmement motivée, mais fait avec un très grand sérieux. La réputation de stabilité de cette distribution n’est pas usurpée, et les mises à jours qui cassent des choses ont historiquement été très rares, et bien sûr toujours dans la version -current. Aujourd’hui, il y a un script **make_world.sh** qui recompile l’intégralité du système à partir des sources. Ça peut paraître logique, ce n’est certainement pas quelque chose de révolutionnaire par rapport à d’autres distributions, mais ça change bien des choses pour le développement de la Slackware elle-même. Le gestionnaire de paquets a évolué pour permettre des lancements d’installations/mises à jour concurrents, et minimise les écritures pour épargner les disques SSD. Et comme écrit plus haut, les vrais changements sont rendus invisibles, PAM, elogind, Wayland, QT5, rien ne se fait dans la douleur, on n’a même pas besoin de lire la doc pour utiliser ou mettre à jour depuis la 14.2. À noter cependant que ce n’est pas le cas de la version ARM, en effet la 14.2 était en soft float et la 15.0 en hard float, le changement a eu lieu il y a plusieurs années dans -current, et les deux ne sont pas compatibles binairement parlant, il faut donc tout réinstaller. Tout ça va surtout permettre à l’équipe de travailler plus efficacement sur la version -current. #La maintenance dans le temps La version stable restera figée, avec des patchs, en fin de vie la 14.2 faisait 1252 paquets, et 152 patchs. C’est à dire 152 paquets qui ont été mis à jour au fil de ces presque six années, pour des raisons de sécurité essentiellement. En général le cycle est plus court et il y a moins de patchs. La faille récente de polkit a été corrigée en même temps que sous Arch, Manjaro, Debian, Redhat et autre, pour la 14.2 et -current. Firefox, Seamonkey et Thunderbird ont vu plus de mises à jour avec des versions majeures (Firefox est passé de la 45.2.0esr à la 68.12.0esr), mais il s’agit ici de cas très particuliers. Côté noyau, la 14.2 avait démarré en 4.4.14, et est aujourd’hui en fin de vie avec la 4.4.301. Ça veut dire qu’il n’y a absolument aucun souci à se faire côté matériel : si ça fonctionne aujourd’hui, ça fonctionnera encore quand la 15.1 sortira. Donc comme d’habitude, pas grand-chose à dire : maintenir la 15.0 c’est appliquer les mises à jour les yeux fermés, et redémarrer quand le noyau corrige des failles de sécurité. On l’a dit non ? Le maître-mot c’est stabilité, et ce n’est pas un vain mot ici. # Le projet Slackbuilds.org : étendre sa Slackware vers l’infini et au-delà _Ce paragraphe utilise la première personne, et est écrit par [Yth](https://linuxfr.org/users/yth)._ [Slackbuilds.org](https://slackbuilds.org/) ou SBo pour les intimes, est un projet annexe, reconnu il y a quelques années par Patrick Volkerding pour son intérêt et sa qualité, et qui permet d’étendre sa Slackware. La plupart des membres de l’équipe de Slackware elle-même participent à ce projet à l’exception notable d’AlienBob et de Patrick lui-même, qui ont bien assez de travail par ailleurs. Parce que bon, soyons sérieux, la Slackware c’est cool : stable, solide, respectueux, vaste et complet, et plein de qualités dont je ne saurais me passer aujourd’hui, mais on n’y trouve pas tout ce que je veux, tout ce que j’aime, tout ce que j’utilise. Point de Sylpheed, PostgreSQL, openSMTPD, SMPlayer, VLC, 0ad, Blender, Warzone2100, audacity, enlightenment, dosbox, endless-sky, flare, freeciv, glewlwyd, glusterfs, inkscape, scribus, haproxy, grisbi, keepassxc, jdupes, Planet Blupi, redis, qemu, virtualbox, ScummVM, syncthing, tor-browser, Unvanquished, transmission, Battle for Wesnoth, wine, youtube-dl… Bigre, ça a l’air dramatique vu comme ça. ![Slackware : Pick up the Slack](http://www.slackware.com/~msimons/slackware/grfx/shared/pickupslack.jpg "Pick up the Slack") On ne l’a pas dit, mais la Slackware est plutôt abrupte pour les novices, même si beaucoup d’entre nous ont démarré avec cette distribution, et ont appris énormément de choses sur l’univers de Linux grâce à elle. Mais rien n’est perdu, car avec une base aussi solide, il est très - _très_ - simple de maintenir des scripts permettant de construire ses propres paquets additionnels. Ces scripts s’appellent des Slackbuilds, ils prennent en entrée les sources d’un logiciel et sortent un paquet Slackware à installer soi-même. Il y en a presque 5000 aujourd’hui. Tous ne sont pas à jour, mais la majorité, et ceux qui comptent le plus, le sont parfaitement, et vont compiler sans accrocs sur une Slackware stable. Mais bon, au moment de l’écriture de cette dépêche, la notion de stabilité vient de se prendre un grand coup de changement, donc il faut attendre un peu que SBo lui-même se stabilise, même si le travail est largement avancé. Divers outils existent pour gérer le téléchargement des sources, la création des paquets, la gestion des dépendances, automatiquement. Mais surtout, ça peut permettre de proposer un dépôt additionnel de paquets binaires pour que l’utilisateur final les installe sans rien compiler, et sans même savoir ce que ça veut dire. Le projet est entièrement bénévole, et on y trouve vraiment tout ce qu’on cherche. La marche pour participer est petite pour qui sait faire un `./configure && make && make install` : il faut connaître la Slackware, et après on s’inspire des milliers de scripts existants pour faire le sien, un mail sur la liste et c’est parti. Je maintiens aujourd’hui presque 90 Slackbuilds divers et variés, et pour la majorité d’entre eux la tâche est très simple. Des scripts récupérés parce qu’un contributeur quitte le projet (dosbox, mon premier il y a 4 ans), d’autres ajoutés parce que j’en avais besoin (sassc maintenant intégré à Slackware 15.0), ou parce que je pouvais le faire : [Planet Blupi](https://linuxfr.org/news/liberation-du-jeu-planete-blupi) ou d’autres projets dont on a vu la naissance dans nos colonnes comme [Glewlwyd](https://linuxfr.org/users/superzen/journaux/glewlwyd-serveur-d-authentification-oauth2). De mon expérience, avoir la Slackware stable comme base rend les choses très simples. Le gestionnaire de paquets sans gestion de dépendance est un atout incomparable. Même si on doit bien jouer avec ces dernières dans le projet Slackbuilds lui-même, car un paquet n’arrive pas toujours seul (coucou vlc, Blender…). Si la Slackware stable reste figée, les Slackbuilds, toujours basés sur la version stable et non la version -current (il existe cependant une branche pour ça), sont eux très à jour, et pas du tout figés dans le temps. Le projet est très dynamique avec une sortie toutes les semaines, une fois fusionnées les contributions de chacun. Aujourd’hui je trouve plus simple de créer un nouveau fichier slackbuild lorsque je veux tester un nouveau logiciel non présent dans le projet, et pouvoir l’installer dans le système comme n’importe quel autre paquet. # Être accompagné pour découvrir Slackware ![Débuter avec Linux aux éditions Eyrolles](https://servimg.eyrolles.com/static/media/7934/9782212137934_internet_w290.jpg "Débuter avec Linux") Si tu ne connais pas du tout Slackware et que cette dépêche t’as donné envie de l’installer mais que tu crains son côté moins prémâché que d’autres distributions aujourd’hui plus répandue, tu pourrais être intéressé par le livre [Débuter avec Linux de Kiki Novac](https://www.eyrolles.com/Informatique/Livre/debuter-avec-linux-9782212137934/) qui fait découvrir Linux à travers Slackware 14.2. Pas la dernière version mais pour pas mal de choses sans doute encore valides. Tu trouveras [par ici](https://linuxfr.org/users/tisaac/journaux/pourquoi-j-ai-installe-slackware-ou-la-decouverte-du-livre-debuter-avec-linux) le témoignage d’une moule de LinuxFR qui a apprécié ce livre. ![Powered by Slackware](http://www.slackware.com/~msimons/slackware/grfx/shared/pwrdtuxSW.jpg "Le manchot à pipe")